Le nom de Varlam Chalamov, depuis la publication de ses Récits de Kolyma, est indissolublement lié aux camps qui, de 1933 à 1960, ont représenté le complexe concentrationnaire le plus redouté du Goulag. Il y fut détenu dix-sept ans. « La perfection que j’ai trouvée en arrivant à Kolyma, écrit-il, n’est pas le produit d’un quelconque esprit du mal. Le camp est une structure empirique. Tout s’est mis en place progressivement, par expérience accumulée. » C’est précisément cette accumulation et cette expérience que les récits de Vichéra éclairent de l’intérieur.
Lors de sa première détention en 1929, Chalamov voit s’établir, dans cette région occidentale de l’Oural, « un système pédagogique basé sur le châtiment et la récompense, les remises de peine, l’arbitraire et la démagogie qui va se révéler extraordinairement efficace et pervers. » Grâce à sa fonction de « petit chef détenu organisant le travail d’autres détenus », il assiste à la mise en place d’un piège mortel qu’il observe et interprète. Il est l’un des premiers à en percevoir le terrible danger politique et éthique.
Ces pages, sous-titrées « antiroman », que Chalamov juge « importantes concernant sa méthode de travail et sa conception de la vie », ont gardé les aspérités, le bâti apparent, les turbulences d’une période qui n’avait pas encore fait du travail forcé l’une des bases du nouveau socialisme d’État.