Un mois à la campagne
Dans Un mois à la campagne de Ivan Tourgueniev, une petite société en villégiature sur ses terres joue à la préférence et se scrute l’âme sans ménagement. On surprend des conversations derrière le bosquet de framboisiers, on se pousse à l’aveu, on aime et désespère. « L’âme d’autrui est une forêt profonde » lance Rakitine, l’ami de la famille, amoureux éconduit et bien en peine de déceler la cause du trouble qui, depuis quelque temps, s’est emparé de Natalia Petrovna, la maîtresse de maison. Son agitation semble coïncider avec l’arrivée du jeune précepteur, venu de Moscou, dont la vitalité fait mouche. Mais sa pupille, la jeune Verotschka, semble elle aussi n’avoir d’yeux que pour ce Beliaev, sans fortune et mal dégrossi. L’honorable Rakitine, tel un Pylade sacrifiant son cœur pour préserver son ami Oreste, fera lui aussi le choix de la raison, contrariant ses propres sentiments. Cette comédie écrite en 1850 a tout d’une tragédie, sans jamais céder au pathos ni à la fatalité. Enfin, dans la lignée des grandes pièces russes, Un mois à la campagne campe un vrai théâtre du départ, privation de sa personne dont on menace sans cesse l’entourage, avant de passer à l’acte, au dernier acte.
Cette nouvelle traduction, de la plume de Michel Vinaver, limpide et impétueuse, est empreinte d’un humour cinglant et d’une douce mélancolie.