« L’art tel que je le comprends est antilittéraire », il ne permet pas, selon Chalamov, qu’on le sépare de la « vie vivante » et son enjeu est simple : tout ou rien.
Rédigées entre 1960 et 1970, ces notes au ton âpre et véhément attestent un souci unique : rechercher la valeur, le sens de l’écriture dans un siècle qui inventa la forme la plus élaborée et la plus parfaitement funeste de l’enfermement : le camp. Chalamov arracha à la longue expérience qu’il en fit les Récits de la Kolyma. Ils n’ont pas été écrits pour témoigner, affirme-t-il ici, mais, témoignant, ils ont révélé une œuvre originale.
Le mérite de ces lignes qui racontent le métier d’écrire, mettent à nu les impulsions, les modalités, les processus de sa création, ne tient pas dans la volonté de celui qui les trace d’élaborer une théorie de l’écriture. Ce sont simplement des repères, des branches fermement plantées dans la neige pour ne pas perdre le chemin. Ces signes en bord de route marquent le territoire d’une question : y a-t-il aujourd’hui, en terre russe, une humanité possible ? Quelle est la légitimité, le pouvoir de l’écriture, et quelle écriture ? On lira ces lignes comme la trace éparse mais fervente et obstinée de cette quête.