Pasternak
Etrange destinée que celle de Boris Pasternak, dont l’oeuvre s’est longtemps trouvée partagée entre deux publics distincts : pour les Russes, il était le poète, l’un des plus grands de son temps, dont l’oeuvre avait pris fin, étouffée par le stalinisme, vers le milieu des années 30 ; pour le public occidental, il était l’auteur d’un roman, Le Docteur Jivago, qui connut un immense succès. Né le 29 janvier 1890, fils d’une pianiste et d’un peintre, illustrateur préféré de Tolstoï, Boris Pasternak entre dans l’âge adulte au lendemain de la révolution avortée de 1905. Sans renier les idéaux de liberté et de justice sociale qui sont l’apanage des intellectuels, la grande question pour Pasternak est celle de l’art. Fasciné par Scriabine, Boris Pasternak abandonne cependant le projet d’une vie consacrée à la musique quand il a dix-huit ans. Il entreprend des études de philosophie, à Marbourg, en Allemagne. C’est là qu’en 1912 vient le rattraper sa destinée. Une première passion pour une amie d’enfance va lui révéler sa véritable vocation : l’écriture. Biely, Blok et Rilke sont ses premiers maîtres. Puis il se lie avec Maïakowski, son cadet de trois ans mais son aîné dans la carrière poétique. Toutefois, Pasternak comprend à quel point lui est lointaine cette forme de lyrisme qui oppose le poète à l’univers. En 1922, son recueil de poèmes, Ma Soeur la vie, fut un événement qui le rendit célèbre. C’est un témoignage sur l’été « où la révolution était un dieu descendu du ciel sur la terre ». Les pages que Pasternak consacra trente plus tard, dans Le Docteur Jivago, à l’été 1917, portent encore la trace de l’atmosphère dans laquelle ont surgi ces poèmes. En 1925 paraît L’Enfance de Luvers, puis L’Année 1905 et Lieutenant Schmidt. En 1935, Pasternak évoque en prose, dans Sauf-conduit, ses souvenirs et le suicide de Maïakowski. A cette époque, en désaccord avec la poésie officielle, il se consacre à des traductions (Goethe, Shakespeare). C’est en Italie que fut publié pour la première fois son roman, Le Docteur Jivago (1957), interdit en Union soviétique. En 1958, le prix Nobel de littérature lui fut décerné, mais il ne put le recevoir, ayant été exclu de l’union des écrivains soviétiques. Il mourut, quelque années plus tard.