Nouvel abécédaire russe
Les détails les plus prosaïques de la vie quotidienne en disent souvent plus long sur les mentalités, les traditions culturelles, les rapports sociaux, la vision du monde que les théories les plus élaborées des sociologues et les analyses universitaires les plus pointues. Les micro-récits de Katia Metelizza « Escargots ou foie gras » ou bien « Un bol de soupe » font aussitôt penser aux immortels « bifteck-frites » de Roland Barthes, mythologèmes parfois comestibles, parfois non, témoignages d’une culture en pleine mutation dans un pays qui, amputé une nouvelle fois de son passé (le socialisme), cherche fiévreusement de nouveaux repères, de nouvelles valeurs. Le nouvel abécédaire russe interroge l’identité culturelle russe. L’auteur n’a pas de réponse univoque, ni de formule exhaustive. Elle se contente de décrire ce qu’elle voit, ce qu’elle vit, ce qu’elle pense, à travers des textes qui, malgré leur aspect ludique, posent des questions importantes et dont l’ensemble est un véritable panorama de la société post-soviétique. « Le saucisson », « La boue », « La nostalgie », « Le supermarché paradis », « L’idée russe », « L’argent », « L’eau chaude » – voici quelques titres de ces textes courts, à mi-chemin entre sketch, causerie et essai. À deux qualités – don d’observation et esprit critique – s’ajoute la troisième : le brio stylistique. Plus l’humour, présent dans chaque ligne, et pourtant jamais gratuit. Le résultat de ce mélange est une véritable radioscopie de la nouvelle société russe – que l’auteur qualifie modestement d’« abécédaire ». Une lecture délectable.