Mars dix-sept
Mardi 13, mercredi 14, jeudi 15 mars 1917: jours 2, 3 et 4 de la révolution russe. Le premier tome de Mars dix-sept décrivait la montée de l’agitation à Pétrograd, puis le déclenchement de la mutinerie au matin du 12 mars l’émeute courant les rues, le gouvernement paralysé. Le présent volume s’ouvre au lendemain de l’émeute et se termine dans la nuit qui suit l’abdication de Nicolas II. Il montre les deux pièges qui se referment peu à peu sur le tsar: l’un matériel, bâti à l’aventure par quelque imposteurs audacieux pour empêcher le train impérial de gagner Tsarskoï-Sélo; l’autre moral, mûri de longue date au sein de la société et monté, dan un brouillard de désinformation, par le propre chef d’état-major du Souverain pour lui présenter l’abdication comme la seule issue possible. Ainsi voit-on se combiner, pour renverser la dynastie, l’improvisation révolutionnaire et le profond divorce entre le tsar et la société: » Le trône est à la merci d’une chiquenaude « , prévenait l’un des personnages de Novembre seize. Inconscient, engourdi, prisonnier d’habitudes dérisoires, Nicolas se laisse passivement réduire à l’impuissance. Mais à partir du moment où i abandonne tout pour n’être plus qu’un objet entre les mains des nouveau) maîtres du pays, il acquiert dans la solitude et l’humiliation une grandeur shakespearienne. Le souverain déchu qui sanglote dans le noir, au dernier chapitre du livre, est un Roi Lear chrétien. A Pétrograd, cependant, une autre tragédie se noue. A l’heure même oi ils triomphent, recueillant l’abdication du tsar et constituant un nouveau gouvernement, les libéraux sentent le sol se dérober sous leurs pieds. L chaos et l’anarchie croissent inexorablement. Encourageant et utilisant 1 sauvagerie qui se déchaîne, l’extrême gauche pousse méthodiquement se pions sur l’échiquier. Le Soviet des Députés ouvriers et soldats étouffe dejà le Gouvernement Provisoire qui vient de naître. Haine et barbarie, mais aussi effusion d’une joie innocente et fraternelle trahison rampante et fière fidélité inutile; lâcheté, froid calcul, mais aussi folle audace et enivrement du succès. Tout ce que roule une révolution est là, ressuscité par un récit puissant, dense et tendu qui tient le lecteur en haleine.