L’Espace négatif de Krzyzanowski
À quel moment Moscou la génitrice, porteuse du souffle créateur de la modernité, se fait-elle persécutrice, chassant l’écrivain vers le néant qui guette derrière ses façades ? À quel moment l’étroitesse des logements communautaires se révèle-t-elle un décor masquant un vide sans fond ?
Les cauchemars de Krzyzanowski que Toporov analyse en termes de pathologie de l’espacetransmuent l’imaginaire fantastique en un réel psychologique et politique.
Avant même de choisir la clandestinité et le silence, Krzyzanowski se sent « retranché » de l’espace des vivants, relégué dans une négativité qui n’en finit pas de croître avant de l’engloutir définitivement.
Acteur de ce théâtre de l’absurde, qui n’est autre que l’existence elle-même, Krzyzanowski se fait médiateur de l’espace négatif et paie de sa personne cet acte littéraire désespéré, l’unique possible contre le néant à l’œuvre.
C’est le sens de cet engagement, ainsi que les stratégies littéraires qu’il mobilise, que tente de saisir Toporov.
Vladimir Toporov (1928-2005) est une des figures majeures de la critique russe du XXe siècle. Son intérêt initial pour la reconstruction des contextes effacés l’a conduit à une approche archéologique du texte visant à en faire remonter les contenus cachés, les aspects passés inaperçus.