La Tourmente
Tirée par cinquante mini-chevaux, une trottinette des neiges emporte vers un village frappé par une épidémie un médecin qui rappelle fortement le Boulgakov des Carnets d’un jeune médecin. Elle est conduite par le « Graillonneux », livreur de pain de son état, incarnation touchante et presque caricaturale du moujik.
Le couple classique de la littérature russe – le peuple et son élite, la seconde voulant éternellement faire le bonheur du premier et faisant son éternel malheur – se trouve à nouveau réuni, fonçant à travers l’espace et le temps dans ce curieux véhicule, version sorokinienne de la célèbre troïka de Gogol.
« Russie, où cours-tu donc ? » demandait l’auteur des Âmes mortes au début du XIXe siècle.
Vladimir Sorokine pose à son tour la question des destinées d’une Russie lancée à fond de train sur un chemin qui semble s’étirer par-delà l’horizon. Mais cette fois, la route est presque inexistante, invisible, effacée par la tourmente qui se déchaîne.