Journal de mes rencontres
Cycle de tragédies, tel est le sous-titre que Iouri Annenkov donne au Journal de mes rencontres. Et de fait, elles sont innombrables : suicide d’Essenine, de Maïakovski, de Piast. Gorki est empoisonné, Goumilev, Pilniak, Babel, Meyerhold sont fusillés, Blok, Zochtchenko et Pasternak meurent de chagrin et d’épuisement. Zamiatine fait l’objet d’une chasse à l’homme avant d’obtenir le droit d’émigrer. Victimes de tracasseries ou mis au ban de la vie publique, d’autres courbent l’échine ou se réfugient dans le silence. D’autres, enfin, choisissent l’émigration avec toutes les difficultés qu’implique l’exil.
Annenkov rappelle à la vie ceux qui ont jalonné sa longue existence, revisite les lieux qu’il a aimés, et surtout Saint-Pétersbourg. Il ne se lasse pas d’en nommer les rues, les avenues, les restaurants, de citer les vers d’Akhmatova, de Blok, de Gueorgui Ivanov, le « texte de Saint-Pétersbourg », la ville du brouillard, la ville en brouillard qui risque à tout instant de se dissiper comme un rêve et que seule l’écriture peut amarrer au réel. Il revit les entreprises communes, tente d’arracher choses et hommes au néant et à l’oubli.
Livre-témoin empli de tendresse à l’égard de ces bâtisseurs dans la tourmente, enfants d’un siècle tragique, Journal de mes rencontres est une œuvre unique, faisant revivre au fil des phrases et des esquisses une époque oubliée et pourtant génitrice du XXe siècle.