Histoire de la littérature russe : le XIXe siècle 2
« Avec l’avènement du «Temps du roman», le «Grand siècle russe» instaure une nouvelle souveraineté de la langue russe qui semble, mieux que les autres langues européennes, pouvoir exprimer les grandes convulsions de l’homme aux prises avec la révolution machiniste et matérialiste. Le vicomte Melchior de Vogüé dira en 1886 son étonnement devant «le roman russe». Dorénavant on va en Europe se diviser entre adorateurs de Tolstoï et disciples de Dostoïevski : André Gide, Roger Martin du Gard, Thomas Mann, Marcel Proust, André Malraux et bien d?autres se définissent en fonction de l?un ou de l’autre.
« Cet avènement est le fruit d’un bouillonnement intellectuel dans l’ordre de la pensée sociale et philosophique qui était propre à la Russie. Le présent volume est consacré aux «géants» qui donnent à la littérature russe son impact mondial tardif mais incoercible. Mais on y trouvera également tout ce qu’il convient de savoir sur les conditions d’existence de la littérature russe, sur les grandes œuvres encloses dans la langue russe : celle de Leskov, par exemple, un des très grands prosateurs de l’époque, publiciste généreux et styliste miraculeux, qui reste, comme tant d’autres, méconnu en dépit de l’«universalité» de la littérature russe proclamée par Dostoïevski. Il en va de même pour l’adversaire idéologique de Leskov, l’infatigable écrivain satiriste que fut Saltykov-Chtchédrine, et pour le poète Nikolaï Nékrassov dont Dostoïevski disait qu’il était «passionné de souffrance». Le roman engagé, utopiste ou antiutopiste, le roman-pamplet, le roman populiste embrassent l’immensité de la souffrance humaine dans une grande tentative de compassion qui s’achève avec Tchekhov, humoriste et recenseur de tous les avatars de la comédie humaine. Ce tome, qui se veut complet, devrait pour la première fois permettre au lecteur de comprendre d’où viennent tant de chefs-d’oeuvre. »
Georges Nivat