Les doigts délicats d’un pianiste virtuose fuguent et découvrent une ville rude et froide.
Un joueur d’échecs voit tout à coup sa vie se jouer sur l’échiquier.
Un bâtisseur de ponts converse avec un crapaud tout droit venu du Styx.
Et le fils d’un fantôme médical – mannequin servant aux futurs médecins à s’entraîner –, mille fois accouché, s’échappe de son bain d’alcool et revient hanter l’étudiant qui l’a fait naître. Double difforme du narrateur et de l’auteur, mort-vivant chez les vivants-morts, il travaille comme gardien des lieux et remplit des formulaires : « Dans la rubrique Origines sociales, j’écrivais toujours Fantôme, et dans Occupation temporaire, je notais d’une écriture soigneusement calligraphiée : Humain. »
Ces récits brefs et étincelants, écrits pour la plupart au début des années vingt, sont marqués par la noirceur de la guerre et d’un temps dont Krzyzanowski a mesuré, avant tout autre, l’absurdité et la violence faite aux hommes comme aux mots.