Ce bon Staline
« Ainsi donc mon papa travaillait au Kremlin. Je ne savais pas vraiment ce qu’il y faisait, mais quand je passais devant le Kremlin, l’hiver, avec mes amis (…), je leur disais d’un air entendu : »Ici travaillent mon papa et le camarade Staline. » »
Victor Erofeev a grandi au coeur du pouvoir politique. Son père appartenait à la « cour » de Staline, en tant que conseiller et interprète, avant de devenir diplomate, notamment à l’ambassade d’URSS à Paris. Avec une dérision mélancolique, il raconte cette « enfance stalinienne heureuse », tout d’abord à Moscou puis à Paris, où il croise Montand et Signoret, Picasso et Aragon. Il rend hommage, avec tendresse et lucidité, à ce père honnête et intègre, cet apparatchik dévoué corps et âme à sa patrie socialiste, qui le lui rend bien. Jusqu’à l’année 1979 où il reçoit un ultimatum des autorités soviétiques : le mea culpa de son fils, exclu de l’Union des écrivains pour « pornographie », ou la fin de sa carrière…
Vision enfantine et conscience historique sont les deux pôles de ce livre à la fois drôle et grave qui dresse le bilan d’une longue période de l’histoire russe. Mais c’est avant tout le récit de la naissance d’un écrivain et d’un dissident qui, avec pudeur, lève le voile sur les mystères de la création.