A couteaux tirés
Paru en 1870, le roman de Nikolaï Leskov A couteaux tirés décrit, sur fond de trame policière, la décomposition d’une société au bord de ce qu’il a appelé « un cataclysme inéluctable ». De même, déjà lors de la révolution de 1905, Léon Bakst illustrait dans son tableau Terror Antiquus la chute imminente de l’Empire. Mais le cataclysme inéluctable prédit par Leskov sera la révolution de 1917. On voit aisément le côté visionnaire du romancier.
Par l’acuité de son observation, Leskov apporte un éclairage singulier sur le nihilisme d’une époque qui rappelle étrangement la nôtre.
Ce roman méconnu, maudit dès sa parution, a longtemps été interdit par la censure soviétique. Il a en effet récemment été redécouvert dans l’édition russe. Sa traduction comble assurément une lacune dans notre connaissance à la fois de l’histoire et de la littérature russes.
Il s’agit d’une œuvre littéraire brillante, à plusieurs strates. Et dont la clef est une vision du monde qui décèle, dans les convulsions du présent, les prémisses de l’avenir. Celui de notre monde, dont la faillite trouve sa source dans une transmutation des valeurs analogue à celle que Leskov a décryptée dans son roman.