menu

Henri Troyat

« Mon émotion à moi se mesure, messieurs, à la distance qui sépare mon lieu de naissance du lieu où me voici. Calculez le trajet en kilomètres ou en verstes, vous conviendrez qu’il est long ! Quand, à l’âge de six ans, je me promenais avec ma nounou du côté du Kremlin, les coupoles que je voyais n’avaient aucun rapport avec celle sous laquelle j’ai l’insigne privilège de me trouver aujourd’hui. Le petit garçon, qui, fuyant, avec ses parents, son pays déchiré par la guerre civile, débarqua à Paris, au début de l’année 1920, se figurait qu’il ne resterait pas plus que quelques mois dans cette grande ville inconnue. Il allait au lycée, en attendant de reprendre le train pour Moscou. Mais le temps passait, les événements politiques isolaient la Russie, et le charme des amitiés françaises, de la pensée française, de l’art français opérait sur l’enfant étranger, qui ne demandait qu’à se laisser séduire par sa nouvelle patrie. Bientôt, la France le saisit tout entier. Ce fut comme si mille liens ténus, mille branches souples, se fussent enroulés autour de lui pour le retenir, et j’en vois les dernières ramifications en bordure de cet habit.»

Henri Troyat, extrait du discours de réception à l’Académie française.

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies nous permettant un suivi statistique et anonyme des visites.

D'accord