Publié le 17 mars 2018

Boycott présidentiel au salon du Livre : la réaction de Natalia Turine, propriétaire de la Librairie du Globe

Monsieur le Président,

Je m’adresse à vous en tant que chef d’entreprise française. Je dirige la librairie du Globe et les éditions Louison. Votre boycott du pavillon russe, pays invité d’honneur cette année à Livre Paris a un impact direct sur mes investissements. Et je passe sous silence l’impact sur moi en tant qu’éditrice et intellectuelle.

Je reviens tout d’abord sur l’appellation « pays invité d’honneur », car rappelons-nous que c’est un titre, certes honorifique, mais qui se paye et qui se paye cher. Il permet à tous les éditeurs présents de voir ce salon exister, car c’est grâce à l’argent de ces pays invités d’honneur que ce festival est financé. Je laisse le soin aux Brésiliens, Russes ou Polonais de révéler le montant du prix de l’« invitation ». J’ai dépensé 100 000 euros pour le stand de la librairie du Globe, librairie officielle du stand de la Russie. Je suis un chef d’entreprise français, et par votre boycott, j’ai reçu une claque, et mon entreprise est mise en péril .

Mais parlons de Louison, ma maison d’édition. Savez-vous, Monsieur le Président, ce que touche un auteur russe pour son roman, qui souvent excède les 1000 pages, car oui les russes écrivent souvent de longs romans ? Il touche 1000 euros d’à valoir. Puis, il y a le coût de la traduction. Un traducteur français est payé aux alentours de 25 euros par feuillet. En faisant un rapide calcul, cela équivaut à peu de choses près à 25 000 euros.
Tous ces coûts, je les paye de ma poche, car je suis indépendante, je n’ai pas d’aides ou des subventions de la part de l’État français.

Aujourd’hui, suite à votre boycott qui m’a fait l’effet d’une douche froide, vous devez bien vous en douter, que dois-je faire Monsieur le Président en tant qu’Europeénne et pour rester solidaire avec l’Europe ? Dois-je fermer mes deux entreprises par solidarité ? Vous m’avez pénalisé à deux titres hier : en tant qu’entrepreneur français, mais aussi en tant qu’intellectuelle. Vous avez fait de la culture un point fort de votre projet, mais face à votre absence sur le stand de la Russie à Livres Paris 2018, c’est un tout autre message que vous m’avez délivré. Vous avez dit dans votre communiqué qu’il y a encore de la place pour des rencontres avec des intellectuels, des acteurs majeurs de l’économie du livre comme éditeurs ou auteurs ? Si oui, où et quand et surtout dans quelles circonstance ?

Natalia Turine

 

2 commentaires

  • Yvan Quintin président de l'association Nix&Nox (ErosOnyx Éditions) dit :

    Je partage entièrement le point de vue de Natalia Turine. En tant que citoyen, Européen, intellectuel, traducteur et éditeur moi-même (petit certes, mais grand par l’ambition). Quelle grossièreté de la part du président de la République ! Faut-il mêler et confondre littérature, art, échanges culturels et politique, celle-ci serait-elle seulement diplomatique ? Monsieur Macron n’est assurément pas un diplomate.

  • schribaux dit :

    Il y a erreur à confondre les intérêts militaro-financiers du Kremlin et la spoliation permanente du peuple russe (politique, matériel). Les échanges culturels français russe sont d’une importance majeure. Continuons notre travail en ce sens et merci.

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